ESPERLUETTE COMPAGNIE CIRCASSIENNEDans ce duo pour une porteuse et une voltigeuse, nous nous emparons de notre discipline afin d’interroger notre condition féminine et incarner nos récits dans une perspective “universelle”. Ici, la virtuosité circassienne (porté, salto, twist…) devient un langage de résistance et d’émancipation.
Dramaturgie
À travers une dramaturgie ascendante — du sol vers les airs — le spectacle déploie une progression en six temps : apparaître, éprouver, crier, réparer, (se) révolter, exister. Sur le plateau, nous déployons un dialogue entre nos corps en convoquant la danse, la parole et le jeu icarien pour raconter nos états intérieurs : incertitude, affirmation de soi, colère, violence, tendresse… Chaque mouvement, chaque porté, chaque suspension fait écho à une révolte, un moment de réconciliation ou une mise en question. Dans un passage clé de la pièce, nous allons jusqu’à briser le quatrième mur pour aborder frontalement la notion de consentement. Point culminant de notre langage scénique, le trapèze devient ici le témoin et le support d’un voyage émotionnel symbolique. Dans ce voyage, fragilité et puissance se rencontrent pour dévoiler un autre monde possible, habité d’une nouvelle sensualité.
Scénographie
Dans une volonté de montrer la réalité du corps dans l’espace, la scénographie expose l’environnement brut du trapèze : les tapis, les câbles, et les éléments de soutien sont laissés à vue. Ces éléments sont manipulés tout au long du spectacle, transformant l’espace de manière évolutive, sans artifices. En sculptant l'atmosphère, la lumière agit quant à elle comme un décor en clair-obscur.
Musique
Ajoutant profondeur et texture à la narration, la bande-son tisse un véritable fil émotionnel autour des corps. Composée sur mesure, elle déploie des nappes acoustiques et électroniques qui suscitent le mystère ou la tension et soulignent les fractures, les respirations, les silences. Des incursions de Vivaldi et le morceau La Vie en Rose viennent aussi amplifier cette palette.
Note d'intention:
Ce spectacle est né d’une urgence viscérale : exprimer ce qui traverse nos corps, ce qui résonne en nous, ce qui parfois ne trouve pas les mots. L’étincelle ? Notre rencontre.
Depuis dix ans, nous partageons le trapèze comme un langage de risque et de confiance. Dans le paysage du cirque – encore très normatif – être deux femmes à occuper ce territoire aérien est un acte fort. Une affirmation féministe que nous portons à notre manière, en cultivant une discipline d’écoute et de dialogue à travers le mouvement et la voix, l’air et le vide. Plus qu’une affaire de collaboration, c’est aussi une histoire d’amitié. Au trapèze comme dans la vie, nous avons exploré, tenté, chuté – et c’est dans cet enchevêtrement de vécus que quelque chose s’est fait jour : la nécessité de raconter par le corps nos récits personnels et ceux de notre
entourage. Partant de notre « condition féminine » – avec tout ce que cela implique d’injonctions, de traumatismes et de luttes – ce projet s’ancre dans le réel pour sonder la mémoire corporelle, questionner notre présence au monde, mais aussi notre consentement et notre résilience, dans une perspective « universelle ».
Face à ce monde saturé d’injonctions patriarcales, comment apparaître, éprouver, crier, (se) réparer, (se) révolter, exister ? Comment donner une forme tangible aux vertiges intérieurs ?
Comme un cri, cette création entend ouvrir un espace où l’on peut enfin dire ce que l’on tait depuis longtemps. Un refuge où les fragilités deviennent des forces délicates – poussant de la terre vers le ciel, comme des fleurs dans le silence.